Les cadres institutionnels, règlementaires et volontaires 

Échelle mondiale

Un nouvel accord-cadre mondial impliquant les entreprises 

L’accord-cadre mondial de Kunming-Montréal a particulièrement reconnu le rôle des entreprises dans la protection de la biodiversité 

 La signature de cet accord-cadre par 195 États et l’Union européenne (UE) en décembre 2022 à la COP15 de la convention mondiale sur la biodiversité a donné lieu au Cadre mondial pour la biodiversité fixant des objectifs en faveur de la biodiversité pour la période 2020-2030 (en remplacement des 20 objectifs d’Aïchi). Il s’articule autour de quatre objectifs globaux pour 2050 et 23 cibles établies à l’horizon 2030.

Le cadre prévoit notamment de : 

  • Réduire de moitié le risque global lié aux pesticides 
  • Restaurer 30 % des écosystèmes terrestres et maritimes dégradés d’ici à 2030 
  • Protéger 30 % du territoire national, terrestre et marin 
  • Diminuer de moitié l’établissement des espèces exotiques envahissantes 
  • Stopper l’extinction des espèces due aux activités anthropiques d’ici 2050

Selon la publication Immersion à la COP15, l’accord-cadre témoigne de façon inédite d’une prise de conscience du rôle essentiel que les entreprises ont à jouer dans la préservation de la biodiversité. Il reconnaît le rôle des acteurs non étatiques, y compris celui des entreprises et des institutions financières. 

La cible 15 enjoint notamment les pouvoirs publics à accompagner et à inciter les entreprises à intégrer la biodiversité dans leur stratégie

Prendre des mesures juridiques, administratives ou de politique générale visant à inciter les entreprises à agir et à leur donner les moyens de le faire, notamment en veillant à ce que les grandes entreprises et les entreprises transnationales, ainsi que les institutions financières : 

a) Contrôlent, évaluent et communiquent régulièrement et de manière transparente leurs risques, dépendances et incidences sur la biodiversité, y compris en prévoyant des dispositions applicables à toutes les grandes entreprises ainsi qu'aux entreprises transnationales et aux institutions financières concernant leurs opérations, leurs chaînes d'approvisionnement et de valeur, ainsi que leurs portefeuilles

b) Informent les consommateurs en vue de promouvoir des modes de consommation durables

c) Rendent compte du respect des dispositions et mesures relatives à l'accès et au partage des avantages, en tant que de besoin

afin de réduire progressivement les incidences négatives sur la biodiversité, d'accroître les incidences positives, de réduire les risques liés à la biodiversité pour les entreprises et les institutions financières, et de promouvoir des mesures propres à garantir des modes de production durables.  

Pour formaliser le rôle des acteurs non étatiques et permettre des contributions significatives et constructives à la mise en œuvre du Cadre, les engagements des Parties pris dans le cadre de l’accord de Kunming-Montréal de la Convention sur la Diversité biologique doivent maintenant être transposés en Stratégies et plans d’actions nationaux pour la biodiversité (SPANB). Les SPANB seront mises à jour progressivement avant une évaluation mondiale en 2030. Les COP Biodiversité permettront de vérifier les trajectoires sans qu’il existe encore de mécanismes d’évaluation comme pour le climat. 

Historique de l'engagement des entreprises pour la biodiversité à l'échelle mondiale : 
2011 :  Création du Global Partnership for Business and Biodiversity (GPBB) sur décisions des COP10 et COP11 
> 27 réseaux d'entreprises nationaux et régionaux   
2016 :  Lancement du Cancun Business and Biodiversity Pledge à la COP13
> 140 entreprises signataires
2019 :  Annonce d'un Agenda de l'action de Charm El-Cheikh à Pékin sur la nature et les peuples à la COP14
> Près de 600 engagements
2022 :  Nouvelles contributions décisives des entreprises à la COP15 qui a marqué un tournant (voir le rapport Immersion à la COP15) et la campagne #MakeItMandatory 

Les objectifs internationaux pour la biodiversité 

Deux objectifs de développement durable de l’ONU sont dédiés à la biodiversité marine et terrestre 

En 2015, ont été établis 17 objectifs de développement durable (ODD) à l'horizon 2030 pour assurer la paix et la prospérité pour les peuples et la planète, dont deux concernent la biodiversité : 



ODD 14 : Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable. 

ODD 15 : Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité. 

Mobilisation de la communauté internationale pour la préservation de la biodiversité avec les objectifs d’Aïchi 

Les 20 objectifs d’Aïchi, adoptés en 2010 dans le cadre du Protocole de Nagoya, ont visé au partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées à ces ressources génétiques. 

La convention sur la diversité biologique de 1992

L’importance de la biodiversité a été mise à l’agenda international grâce à la création de la Convention sur la diversité biologique (CDB) 

La Convention sur la diversité biologique (CDB) est un traité international juridiquement contraignant ayant été signé en 1992 intégrant trois principaux objectifs : la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de la diversité biologique et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. 

Échelle européenne 

Devoirs européens de divulgation et de responsabilité (CSRD)

La biodiversité comme partie intégrante des devoirs européens de divulgation et de responsabilité des entreprises 

La nouvelle Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est une réglementation pour rendre les modèles d’affaires des entreprises davantage durables et respectueux des limites planétaires.


La norme ESRS E4 - Biodiversité et Écosystèmes de la CSRD a pour objectif de permettre de savoir : 

●      Comment l’entreprise impacte la biodiversité et les écosystèmes

●      Les actions entreprises pour prévenir ou atténuer les impacts actuels ou futurs sur la biodiversité

●      Les plans et la capacité de l’entreprise à adapter sa stratégie et son modèle d’affaires

●      La nature, le type et l’étendue des risques, dépendances et opportunités en lien avec la biodiversité et leur gestion

●      Les effets financiers sur l’entreprise sur le court, moyen et long terme des risques et opportunité en lien avec la biodiversité. 


Elle entre en application à partir de l’exercice 2024 pour une première publication d’informations dans le rapport publié en 2025 pour les entreprises de plus de 500 salariés.


La directive européenne concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) introduit, entre autres, l’obligation de publication d’informations sur la biodiversité et les écosystèmes dans le cas où la thématique est évaluée comme matérielle. Son acte délégué a été publié le 30 juillet 2023. Les standards ESRS E4 publiés en novembre 2022 détaillent les métriques retenues pour ce volet. Elle entre en application à partir de l’exercice 2024 pour une première publication d’informations dans le rapport publié en 2025 pour les entreprises de plus de 500 salariés. 

La
proposition de directive sur le devoir de vigilance européen (CS3D) prévoit d’obliger les entreprises à identifier et à prévenir les impacts sur leurs chaînes de valeur. Elle porte notamment sur la perte de biodiversité mais aussi sur le climat, l’eau, etc. 

Les questions fréquemment posées sur la CSRD

Aller plus loin

Les règlements européens pour atténuer la dégradation des écosystèmes

 Le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts interdit à partir de décembre 2024 la mise sur le marché ou l’exportation de produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts depuis le 31 décembre 2020. Parmi les matières premières concernées, on retrouve le soja, le bœuf, l'huile de palme, le bois, le cacao ou le café ainsi que leurs produits dérivés. 

 La loi sur la restauration de la nature qui a été adoptée le 12 juillet 2023 vise à atteindre 20% des superficies terrestres et maritimes de l’UE couvertes par des mesures de restauration d'ici à 2030. Elle a été approuvée par le Conseil environnemental de l'UE le 17 juin 2024.     

Une stratégie européenne pour la biodiversité

L’Union Européenne (UE) a établi une stratégie dédiée à la biodiversité d’ici à 2030 

La stratégie européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 est un plan qui se veut systémique et ambitieux. Ses objectifs ont été entérinés en octobre 2020 et visent à protéger la nature et à enrayer la dégradation des écosystèmes dans l’UE. Il s’agit d’un pilier fondamental du pacte vert dont la mise en œuvre a débuté en 2021. 

Ses objectifs : 

  • Transformer au moins 30 % des terres et des mers d'Europe en zones protégées gérées efficacement 
  • Restaurer les écosystèmes dégradés de l'UE et réduire les pressions qui s'exercent sur la biodiversité 
  •  Améliorer la gouvernance en matière de biodiversité et veiller à ce que les États membres intègrent dans leurs politiques nationales les engagements définis dans la stratégie

La stratégie nécessite des investissements importants. Au moins 20 milliards d'euros par an devraient être consacrés aux dépenses en faveur de la nature. Ces financements publics et privés visent à restaurer les écosystèmes, investir dans le réseau Natura 2000 et dans les infrastructures vertes et bleues dans les États membres de l'UE. 

Ses engagements : 

  • Enrayer le déclin des insectes pollinisateurs, introduire des "éléments de paysage à haute diversité" dans les terres agricoles, voir  De la ferme à la table  
  • Accroître la superficie de la couverture forestière dans l'UE et renforcer la résilience des forêts et leur rôle de source de biodiversité, d’atténuation et d’adaptation au changement climatique 
  • Restaurer les sols dégradés, voir la Directive relative à la surveillance et à la résilience des sols
  • Renforcer la protection des écosystèmes marins et les restaurer afin de parvenir à un "bon état écologique" pour remédier à la surexploitation des stocks halieutiques 
  • Renforcer la mise en œuvre et le contrôle de l’application du cadre juridique de l'UE sur l'eau et la nature 
  • Intégration de la bonne santé des écosystèmes, des infrastructures vertes et des solutions fondées sur la nature dans la planification urbaine 
  • Éliminer d'ici à 2030 la pollution par les flux d'azote et de phosphore liés aux fertilisants (voir le plan d'action «zéro pollution» pour l'air, l'eau et les sols et le plan d'action pour la gestion intégrée des nutriments
  • Limiter considérablement l'introduction d'espèces exotiques envahissantes (EEE) pour réduire de 50 % le nombre des espèces de la Liste rouge de l’UICN menacées par des EEE 

Suivi de l'atteinte des cibles pour 2030 de la stratégie biodiversité de l'Union Européenne.

Échelle nationale 

Une stratégie nationale pour la biodiversité

La Stratégie Nationale Biodiversité 2030 (SNB3) pour un accompagnement des entreprises et une redevabilité des acteurs 

 La France, par ses caractéristiques géographiques et notamment ses Outre mers, possède une biodiversité très riche mais menacée. Elle est le seul pays présent dans 5 des 34 "points chauds" de la biodiversité mondiale : Méditerranée, Caraïbes, Océan Indien, Polynésie et Nouvelle-Calédonie. Elle possède le 2ème domaine maritime au monde avec 10% des récifs coralliens et lagons. Cette réalité l’oblige et lui permet également de se positionner comme leader sur ce sujet.

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Le 27 novembre 2023, la France a officialisé la dernière version de la Stratégie nationale biodiversité 2020-2030, après un processus de conception et de concertation de près de trois ans. 

La mesure 31 de la SNB3 "Accompagner les entreprises pour renforcer leurs engagements et accroître la transparence de leurs actions en matière de biodiversité" contenue dans l’axe 3  "Mobiliser tous les acteurs" se décline en 5 actions : 

  • Accompagner les entreprises dans la publication de leur rapport de durabilité 
  • Mobiliser toutes les entreprises par le programme "Engagés pour la nature
  • Développer des outils publics d’accompagnement des entreprises 
  •  Favoriser les initiatives collectives pour une intégration stratégique de la biodiversité 
  •  Identifier les freins et les leviers par filières pour l’élaboration de feuilles de route

L’accompagnement des entreprises prévu par cette mesure intègre la mise en œuvre optimale de leurs obligations de transparence et de reporting (CSRD, article 29 de la loi énergie et climat) ; mais aussi celui des plus petites entreprises, non soumises à ces obligations, pour une meilleure connaissance de leurs impacts et dépendances vis-à-vis de la biodiversité.

Une gouvernance interministérielle de pilotage et de redevabilité des acteurs opérée par le Secrétariat Général à la Planification Écologique (SGPE) constitue une garantie de moyens pour l’atteinte des ambitions de la SNB3. 

Les lois nationales liant biodiversité et climat 

 La loi "Climat et résilience" du 22 août 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon de 2050. Cette loi vise à mieux prendre en compte les conséquences environnementales lors de la construction et de l’aménagement des sols, sans pour autant négliger les besoins des territoires en matière de logements, d’infrastructures et d'activités. Cette loi a été complétée par celle du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux. En fin 2023, ont été publiés plusieurs décrets visant à "définir et mesurer la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF)", "planifier la trajectoire ZAN et "mobiliser les outils de sobriété foncière". 

Par le décret d'application de l'article 29 de la loi “Énergie Climat” du 27 mai 2021, les acteurs des marchés financiers sont désormais obligés (depuis 2022) de publier une stratégie alignée sur les objectifs de la Convention sur la diversité biologique. Les acteurs financiers doivent utiliser un indicateur d'empreinte écologique et divulguer leurs risques physiques, de transition et de responsabilité liés à la perte de biodiversité dans la gestion du portefeuille. 

Les lois françaises emblématiques de la préservation de la biodiversité 

La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages promulguée le 9 août 2016 est à l'origine de la séquence connue sous le nom « éviter-réduire-compenser » (ERC). Il s'agit d’un principe d'action préventive et de correction des atteintes à l'environnement, qui implique d' "éviter les atteintes à la biodiversité, à défaut de les réduire et, en dernier recours, compenser les impacts résiduels". 

La loi portant sur l’engagement national pour l’environnement, dite "Grenelle 2", promulguée le 12 juillet 2010 est un ensemble de mesures visant à la préservation des espèces, animales ou végétales, et de leurs habitats. La principale nouveauté de ce chantier sur la biodiversité fut la mise en place sur le territoire d’une "trame verte et bleue". Cette trame doit permettre de créer une continuité territoriale entre les différents espaces protégés en les reliant entre eux par des corridors eux aussi protégés. L’objectif est d’assurer (ou de rétablir) les flux d’espèces de faune et de flore sauvages entre des zones considérées comme ayant une haute valeur écologique. 

La loi relative à la protection de la nature a rendu en 1976 la préservation des espaces et des ressources naturelles ainsi que la préservation des espèces animales et végétales d’intérêt général. Elle introduit, entre autres, l’étude d’impact pour la réalisation des aménagements publics et privés évaluant les conséquences sur la nature, les populations concernées et la santé publique.  

Nouveaux standards volontaires

Nous recommandons ces deux approches internationales récentes spécialisées sur les contributions des acteurs économiques en faveur de la biodiversité. Fondées scientifiquement, elles requièrent toutefois du temps et des personnes dédiées en interne, voire de l'accompagnement externe.

Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD)  

Créée en 2021, la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD) a publié un cadre commun permettant aux institutions financières et aux entreprises d’évaluer, de suivre et de publier les risques financiers liés au déclin de la biodiversité.

La TNFD classifie les risques et opportunités en trois grandes catégories : 

●        Les risques physiques. Principalement issus de la perte de services écosystémiques ou de la dégradation de l’environnement, ils sont aigus ou chroniques 

●        Les risques de transition sont plus généralement issus des impacts des activités de l’entreprise sur l’environnement, et de sa capacité à les maîtriser. Ils se déclinent en risques politiques et juridiques, risques de marché, risques technologiques et risques de réputation 

●        Dans une approche plus globale, la TNFD identifie aussi des risques systémiques tels que l’effondrement des écosystèmes, des risques cumulatifs ou de contagion. 

Pour identifier, évaluer et atténuer ces risques, la TNFD propose la mise en œuvre de l’approche LEAP – Localiser, Évaluer, Analyser, se Préparer. Cette méthodologie propose des étapes pour réaliser son état des lieux, identifier ses pressions sur la biodiversité et ses dépendances, les évaluer et y apporter des réponses stratégiques. 

En septembre 2023, la TNFD a publié la Version 1.0 du cadre pour l'adoption par le marché.  La consulter en français ici.