Les activités économiques & la biodiversité
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Définition de la biodiversité
La biodiversité représente le tissu vivant de notre planète. Elle englobe l'ensemble des milieux naturels ainsi que toutes les formes de vie (plantes, animaux, champignons, bactéries, etc.), et inclut toutes les relations et interactions (coopération, prédation, symbiose, etc.) entre les organismes vivants, ainsi qu'entre ces organismes et leurs milieux de vie. En tant qu'êtres humains, nous appartenons à l'espèce Homo sapiens, qui constitue l'un des éléments de ce tissu complexe.
La biodiversité est à la base de notre survie et de notre bien-être collectif. Son rôle essentiel est de plus en plus reconnu au sein de la communauté des affaires et de la finance dans les prises de décision, allant des chaînes d’approvisionnement, jusqu’à l’ensemble des opérations directes et aux investissements (chaînes de valeur).
Le monde vivant est un système dynamique, divers à tous niveaux :
- Diversité des individus et variabilité de leurs gènes au sein de chaque espèce (diversité génétique)
- Diversité des espèces et de leurs populations qu’elles soient microbiennes, végétales ou animales (diversité spécifique)
- Diversité des communautés, des écosystèmes, voire des cultures au sein du monde humain. Les humains font bien partie de ce tissu vivant qui forme la biosphère.
Selon la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), la biodiversité est “la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces, entre les espèces et entre les écosystèmes”. La biodiversité englobe toutes les espèces vivantes, mais également la diversité génétique, la diversité des milieux qui les hébergent ainsi que les interrelations entre les espèces.
Bien que la biodiversité soit aussi ancienne que la vie sur Terre, ce concept n’est apparu que dans les années 1980. La Convention sur la diversité biologique (CDB) signée lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro (1992) reconnaît pour la première fois l’importance de la conservation de la biodiversité pour l’ensemble de l’humanité. Bien que l'usage du terme "biodiversité" soit relativement récent, le concept lui-même est ancien. La diversité biologique que nous observons aujourd'hui résulte de l'évolution longue et progressive du monde vivant sur notre planète, les premiers organismes vivants connus remontant à près de 3,5 milliards d'années.
Les activités humaines sont dépendantes de la biodiversité
La biodiversité dispense de nombreux bénéfices pour la vie sur Terre qui sont appelés des services écosystémiques. Le Millennium Ecosystem Assessment, dès 2005, en dresse la liste suivante :
- Les services d’approvisionnement : il s’agit des services de fourniture (eau douce, alimentation, bois, fibres, cuirs, etc.).
- Les services de régulation : généralement non appropriables, ces services traduisent la capacité des écosystèmes à se réguler (qualité de l’air, régulation climatique, régulation des eaux, érosion, traitement des déchets, contrôle des maladies, contrôle des ravageurs, pollinisation, contrôle des risques naturels, etc.)
- Les services culturels : ils désignent toutes les utilisations de services écosystémiques à des fins récréatives, esthétiques, spirituelles ou éducatives (loisirs, écotourisme, santé mentale et physique, bioinspiration, valeurs éthiques, etc.). Les services culturels rendus par la biodiversité sont essentiels pour la santé en général. Ces services vont au-delà de la simple production de biens matériels.
- Les services de soutien : ce sont les processus naturels tels que le maintien des habitats, le cycle des nutriments, la production primaire ou le cycle de l’eau qui permettent l’existence des autres services
Tous les secteurs de l'économie et toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur localisation, dépendent de la biodiversité et de ses services.
Selon le World Economic Forum (WEF), 50% du PIB mondial serait dépendant de la bonne santé des écosystèmes. Près de 400 millions d’emplois pourraient être créés par des actions positives pour la nature. Toujours selon le WEF, "la perte de biodiversité et l'effondrement des écosystèmes ainsi que les changements critiques des systèmes terrestres figurent dans les classements à long terme de tous les groupes de parties prenantes" interrogés en 2024.
La Banque de France estime que 42 % du montant des actions et obligations détenues par des institutions financières françaises est émis par des entreprises qui sont fortement ou très fortement dépendantes d’au moins un service écosystémique.
De nombreuses activités économiques, en particulier celles liées à certaines pratiques agricoles, l’extraction et à la culture des ressources, contribuent aux pressions qui entraînent la perte de biodiversité. Les opérations de quatre grandes chaînes de valeur – l’alimentation, l’énergie, les infrastructures et la mode – sont actuellement à l’origine de plus de 90 % de la pression exercée par l’homme sur la biodiversité, selon une étude du Boston Consulting Group (BCG).
Il existe toutefois des activités qui n’entretiennent qu’un lien indirect avec la biodiversité. C’est le cas des activités de service (information, communication, conseil…) ou des activités juridiques et comptables par exemple car leurs impacts et dépendances vis-à-vis de la biodiversité sont beaucoup moins tangibles. Si elles ne sont pas source de pressions directes sur la biodiversité, les entreprises de ces secteurs ont des chaînes de valeur dépendantes du bon état de la biodiversité.
Les entreprises sont à l’évidence intéressées par un sujet sur lequel la communauté scientifique et leurs parties prenantes les alertent. Des dirigeants, en particulier ceux des plus grandes entreprises, tout comme des chefs d’Etat ont pris la parole sur le sujet de la préservation de la biodiversité ces dernières années. “Le climat, la nature et l'humanité sont inséparables”.
Une diversité biologique aujourd’hui menacée
La biodiversité est aujourd’hui marquée des dynamiques d'effondrement. La perte de diversité devrait provoquer des effets en cascade sur les réseaux trophiques et mettre en danger les services écosystémiques.
Une étude scientifique de 2017 révèle une diminution de plus de 75 % de la biomasse totale des insectes volants sur 27 ans dans les zones protégées.
Dans sa première évaluation mondiale en 2019, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui est l’équivalent du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour la biodiversité, alerte sur la vitesse des changements induits par l’activité humaine dépassant nettement celle de la capacité d’adaptation des organismes vivants. Elle se traduit par un effondrement de la biodiversité à une vitesse dramatiquement plus élevée que le rythme normal d’extinction des espèces.
Selon le rapport Planète vivante du WWF publié en 2022, l’entrée dans la sixième extinction de masse (69% des espèces ont disparu entre 1970 et 2018) qui caractérise notre époque menace, pour la première fois, la capacité de l’espèce humaine à prospérer durablement. La destruction de leurs habitats menace d’extinction en quelques décennies plus d'un million d'espèces et pourrait engendrer la disparition de 75% des espèces animales dans les siècles à venir.
De plus selon l'IPBES, 14 des 18 des principaux services écosystémiques rendus poursuivent depuis cinquante ans une trajectoire globale de déclin. Comme pour le dérèglement climatique, la responsabilité de l’homme dans le déclin de la biodiversité est établie. L’IPBES a décrit les cinq facteurs de pression anthropiques qui s’exercent sur la nature et sont des causes directes de sa disparition, par ordre d’importance :
- Le changement d’utilisation des terres et des mers, en particulier par la destruction et l’artificialisation des milieux naturels (urbanisation, déforestation, etc.) menant à la dégradation et au morcellement des écosystèmes.
- La surexploitation des ressources (surpêche, déforestation, agriculture intensive, etc.) compromet gravement le fonctionnement des écosystèmes et leur renouvellement.
- Le changement climatique influe sur les cycles de vie de l’ensemble des êtres vivants. Il impacte également la répartition géographique des espèces et donc le fonctionnement des chaînes trophiques.
- Les pollutions, comme l’usage intensif des phytosanitaires en agriculture, les pollutions chimiques mais aussi les pollutions lumineuses (éclairage nocturne), sonores (trafics aérien et maritime), ou thermiques (rejets des centrales nucléaires) affectent tous les aspects de l’environnement.
- Les espèces exotiques envahissantes qui prennent la place des espèces locales et profitent souvent d’écosystèmes dégradés.
En savoir plus sur les facteurs d'érosion de la biodiversité
Selon le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ces pressions entraînent un appauvrissement de la diversité des écosystèmes et leur régression généralisée, ainsi qu'un effondrement des populations de faune, flore et fonge. Cela se traduit par une baisse de la richesse des écosystèmes et par une perte des services qu'ils fournissent, nous confrontant ainsi à de nouveaux risques. Environ 1 million d'espèces animales et végétales sont aujourd'hui menacées d'extinction, notamment au cours des prochaines décennies, ce qui n’a jamais eu lieu auparavant dans l'histoire de l’humanité.
Le climat et la biodiversité sont intimement liés
La destruction de la biodiversité, tissu vivant de la planète, longtemps occultée par le climat est devenue un sujet d’attention, voire d’inquiétude. Ce sont pourtant les deux faces d’une même pièce. La crise climatique accélère celle du vivant et inversement.
Selon l’IPBES et le GIEC, les enjeux de la biodiversité et ceux du changement climatique sont liés. Le changement climatique est une des cinq causes de perte de biodiversité, qui a elle-même un impact négatif sur le climat. Faute de stocker le carbone dans le sol et la biomasse, les écosystèmes dégradés rejettent du carbone dans l’atmosphère. Par exemple, la déforestation et la conversion des terres pour l'agriculture par exemple contribuent à près de 23% des émissions humaines de gaz à effet de serre.
Depuis 2009, une équipe internationale, menée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre, a cherché à quantifier des frontières que les activités humaines devraient respecter pour maintenir les conditions favorables dans lesquelles l’Humanité a pu se développer. Selon le cadre conceptuel des limites planétaires, la Terre possède neuf processus systémiques et seuils écologiques dont le dépassement peut entraîner des changements irréversibles.
Six de ces limites seraient déjà dépassées :
- L’intégrité de la biosphère
- Le changement climatique
- Le cycle d’eau douce
- Les cycles du phosphore et de l’azote
- Le changement d’occupation des sols
- La limite de pollutions chimiques
Même si l’on ne pilote pas le vivant comme les gaz à effet de serre, de nombreuses méthodes et métriques existent pour rendre compte de la complexité, des dimensions locales et hétérogènes de la biodiversité.
Pour se repérer dans ce foisonnement, utilisez la Boîte à outils.
Les impacts et les dépendances liés à la biodiversité peuvent être à la fois source de risques et d’opportunités pour les entreprises
Chaque secteur de l’économie et chaque entreprise, quelle que soit sa taille ou sa localisation, dépend de la nature et de ses services.
Selon l'IPBES, près de 577 milliards de dollars de production agricole mondiale annuelle sont menacés par la perte de pollinisateurs. Un effondrement des services écosystémiques tels que la pollinisation sauvage, l’approvisionnement en nourriture provenant de la pêche marine et le bois provenant des forêts indigènes pourrait entraîner une baisse du PIB mondial de 2 700 milliards de dollars en 2030.
Plus de 75% des cultures alimentaires mondiales, qui comprennent des fruits et légumes et quelques-unes des principales cultures commerciales, telles que le café, le cacao et les amandes, reposent également sur la pollinisation animale.
Selon les recommandations de la coalition Business for Nature, de plus en plus d'entreprises comprennent qu'en agissant dès maintenant sur la biodiversité, elles peuvent transformer les risques liés à la nature – physiques, réputationnels ou réglementaires (définis par l'Organisation de coopération et de développement économiques)– en opportunités économiques. Le passage à des modèles respectueux de la nature pourrait créer des emplois, de nouvelles offres de produits respectueux du vivant, des solutions fondées sur la nature d’une valeur de 10 000 milliards de dollars d’ici 2030. Compte tenu de leurs vastes impacts sur la nature, mais aussi de leur potentiel d’investissement, d’entraînement et d’innovation, les entreprises doivent piloter leur transformation vers une économie positive pour la nature, zéro émissions nettes et équitables socialement.
Les incertitudes scientifiques sont encore importantes et les études demeurent lacunaires en écologie mais les ordres de grandeur présentés ici sont considérés comme corrects.
Selon une étude de Goldman Sachs Global Investment Research, les investisseurs soutiendront à l'avenir et de manière croissante les modèles économiques remplaçant les pratiques extractives par de nouveaux mécanismes réduisant la demande de matières premières naturelles ou l'empreinte physique d'une entreprise (le conseil et la remédiation, la propriété et la gestion foncières).
Les interrelations entre les entreprises et la biodiversité sont à l’origine de risques et d’opportunités qu’il est dans l’intérêt propre des acteurs d’identifier, d’évaluer, de gérer et de saisir en conséquence.
Selon le Guide pour l’action : Entreprises engagées pour la nature de l’Office français de la biodiversité (OFB), la prise en compte de la biodiversité par une entreprise lui permet de :
- Sécuriser ses chaînes d’approvisionnement et optimiser ses coûts
- Se différencier auprès des acheteurs et consommateurs de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux
- Prendre en compte les préoccupations sociétales des consommateurs pour fidéliser ses clients, ses collaborateurs et renforcer son ancrage territorial
- Anticiper un cadre réglementaire qui se consolide (voir les Cadres institutionnels et réglementaires)
- Accéder à certains financements du fait de l’importance croissante des critères environnementaux dans les choix d’investissements ou dans les primes d’assurance
- S’inspirer et innover, par exemple avec le biomimétisme ou les solutions d’adaptation fondées sur la nature
Selon la CDC Biodiversité, De nombreux risques sont principalement liés à une insatisfaisante prise en compte de la biodiversité dans les stratégies, projets et modes de production des entreprises. Les opportunités liées à la biodiversité ne se résument pas, quant à elles, à une simple politique de réduction des risques, mais supposent d’aller au-delà, en mettant en place des approches volontaires fondées sur le recours aux solutions fondées sur la nature comme levier de création de valeur ou répondant à la demande sociale d’une nature préservée et d’une meilleure santé environnementale émanant de certains consommateurs.
Les liens entre biodiversité et santé
Le concept de “One Health” traduit par “Santé globale” ou une “seule santé” tend de plus en plus à faire sens pour relier les sujets et montrer l’interdépendance entre humains et non-humains.
La biodiversité et la santé humaine sont étroitement liées, de plusieurs manières :
- Ressources médicinales : Une grande partie des médicaments est dérivée de composés naturels trouvés dans les plantes, les animaux et les micro-organismes. La biodiversité assure donc une réserve de matières premières pour de nouveaux traitements médicaux et médicaments, mais se pose la question du partage juste et équitable des avantages avec les populations autochtones.
- Sécurité alimentaire : La diversité des espèces agricoles et animales contribue à une alimentation équilibrée et nutritive, renforçant ainsi la santé humaine. Elle aide également à sécuriser les sources alimentaires contre les maladies des plantes ou les ravageurs qui peuvent décimer des monocultures.
- Services écosystémiques : Les écosystèmes sains, comme les forêts, les océans et les zones humides, jouent un rôle crucial dans la purification de l'air et de l'eau, la régulation du climat et la protection contre les événements climatiques extrêmes. Ces services contribuent directement à la prévention des maladies et à la promotion de la santé humaine.
- Bien-être psychologique : Le contact avec la nature a été démontré pour réduire le stress, améliorer l'humeur et augmenter le bien-être mental. Des environnements naturels diversifiés renforcent le bien-être psychologique. Une étude rapportée par Bastien Vajou, spécialiste des liens entre santé mentale et expériences de nature, montre qu'une demi-heure de marche par semaine dans des espaces de nature urbains permet de réduire la prévalence de la dépression de l'ordre de 7%.
- Transmission de maladies : La perturbation des écosystèmes peut favoriser la transmission de maladies de la faune sauvage aux humains (zoonoses). La perte de biodiversité peut augmenter le risque de maladies telles que la maladie de Lyme ou le paludisme, car les espèces qui contrôlent les vecteurs de maladies peuvent être affectées. La Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) a synthétisé, suite à la pandémie COVID19, l'état des connaissances entre atteintes à la biodiversité et épidémies. Des études existent sur l'amélioration de la santé physique par une restauration des écosystèmes (système immunitaire renforcé des enfants jouant dans des cours d'école désartificialisées, convalescence de malades réduite à proximité d'arbres...).
Selon le rapport de l’IPBES paru en 2022, la plupart des décisions politiques et économiques donnent la priorité aux valeurs instrumentales de la nature fondées sur le marché (produire des biens, les monnayer, les faire circuler). Pourtant la qualité de vie des personnes dépend des valeurs non marchandes de la nature, telles que la régulation du climat, la santé globale et l'identité culturelle, par exemple.
Les risques engendrés par le mauvais état des écosystèmes ne peuvent plus être ignorés par les pouvoirs publics, les citoyens et les acteurs économiques. Les entreprises ont à jouer un rôle de premier plan dans la conservation et la restauration de la nature.